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Numéro 5 / Passages

Passages sur la voie ferrée est un groupe Facebook grâce auquel des résident.e.s de Montréal partagent de l’information sur les passages créés à travers les grillages qui balisent la voie de chemin de fer séparant le Nord et le Sud de la ville. Malgré la présence policière municipale et privée du Canadien Pacifique, des centaines de personnes y passent tous les jours. Partagées sur Facebook, les images des trous laissés par les cisailles manifestent le refus citoyen des limites physiques imposées par la compagnie de transport de marchandises. Même après cent ans d’existence, ces frontières qui soumettent le vécu au bâti sont encore éprouvées quotidiennement par les habitant.e.s de sorte que des brèches sont ouvertes. Ces issues deviennent les traces de la réappropriation critique du territoire.

Ces passages créés à répétition ont pour nous une grande force évocatrice. Malgré l’impermanence de leur emplacement, ils persistent dans le temps, sans cesse reformés, traces d’une résistance ordinaire. Jamais fixés, ils renvoient à un imaginaire du mouvement, de la transition, de l’instabilité.

Le premier texte de cette édition, écrit par Samuel Lamoureux, entre sans détour dans cet imaginaire en exprimant avec une sincérité à la fois désarmante et jubilatoire, son envie de révolution. Paré de cette énergie dissidente, le numéro explore dès lors le rapport politique à la mobilité et à la spatialité. En synthétisant les travaux de la géographe Doreen Massey, Joëlle Gélinas propose une conception alternative du « local » fondée sur la multiplicité des trajectoires.

Aïcha Madi rappelle ensuite la violence que comportent les mobilités forcées, en particulier pour les femmes, afin d’exiger des politiques qui mettent fin aux discriminations qu’elles subissent au cours de leurs passages migratoires. Hubert Jobin-Tremblay, poursuit quant à lui la piste des transgressions de l’espace urbain. Sous sa plume, leur portée politique se confirme : la métropole appartient encore à ceux et celles qui l’habitent. Le texte de Justine Dorval nous plonge au cœur d’une scène urbaine quotidienne pour discuter de l’incidence des espaces imposés par les supports de visionnement sur l’expérience du cinéma. Cette réflexion sur les passages physiques est en quelque sorte clôturée par le manifeste d’Anabel Boissonneault qui évoque le potentiel d’un processus architectural dont le geste est continu. Finalement, la dimension symbolique d’un passage peut être plus déterminante que la traversé d’un espace physique comme le sous-entend la recension très personnelle de Thierry Côté qui raconte sa découverte de la poétesse québécoise Clémence Dugas-Côté.

Les passages ouvrent vers autre chose, ils créent les utopies qui deviendront la réalité de demain. Les passages sous-tendent donc aussi les fins qui n’en sont pas vraiment, le désir de passation et de nouveauté. C’est ainsi que nous annonçons la dernière édition de l’équipe qui a fondé, édité, designé et assemblé Cahier d’école depuis 2016. Ce projet collectif a été l’occasion de découvrir des idées de même que les personnes qui les font rayonner. Merci aux autrices et auteurs pour votre confiance, merci aux lectrices et lecteurs pour votre curiosité. Finalement, merci à nos collègues qui voudront reprendre le projet et le faire perdurer.

Bonne lecture !
L’équipe de Cahier d’école

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